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 Maurice Barres et l'évolution de son nationalimse

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Julien

Julien


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Maurice Barres et l'évolution de son nationalimse  Empty
MessageSujet: Maurice Barres et l'évolution de son nationalimse    Maurice Barres et l'évolution de son nationalimse  Icon_minitimeVen 2 Nov - 7:35

MAURICE BARRES : LA TERRE ET LES MORTS

L'apport de Maurice Barrès a été décisif dans le processus de maturation du nationalisme français contemporain. II demeure l'un de nos principaux maîtres.

Maître à penser et modèle littéraire de toute une génération, Maurice Barrès joua le rôle de pionnier dans le grand mouvement de synthèse doctrinale esquissé au sein du nationalisme français à partir de la crise boulangiste et stimulé par l'Affaire Dreyfus. C'est lui qui lança en pleine " Affaire " qu'il n'y a " aucune possibilité de restauration de la chose publique sans une doctrine " (30 octobre 1899. Le Journal) et qu'on " ne soulève pas les masses pour une action durable sans des principes " (L'Appel au Soldat).
Au travers de la trilogie du Roman de l'énergie nationale et des Scènes et doctrines du nationalisme, Barrès va s'efforcer de fixer de nouveaux jalons à un nationalisme devenu incompatible avec la philosophie des Droits de l'Homme. Tous les écrits barrésiens visent une idée centrale : repenser le National.
Rien ne poussait pourtant Maurice Barrès à mener cet effort de théorisation. Issu des milieux littéraires individualistes et décadentistes, désigné " prince de la jeunesse " par la génération des années 188090 et par les jeunes cosmopolites de la Revue Blanche, l'engagement de Barrès du côté national devait surprendre toute une élite cultivée. Léon Blum n'espérait-il pas voir Barrès prendre la tête des Dreyfusards ? Raoul Girardet dans sa préface au livre de Zeev Sternhell pose une question essentielle
" comment le jeune écrivain des années 1880, dilettante et anarchisant, a-t-il pu devenir, en l'espace de quelques années, l'un des grands interprètes de la pensée traditionaliste française, le doctrinaire et le poète du culte de la Terre et des Morts ? Comment en d'autres termes, s'est opéré le passage dans le climat intellectuel et moral de la fin du XIX° siècle, du principe de l'exaltation de la personne à l'idée de subordination de l'individu à la collectivité, de l'affirmation hautaine du moi individuel à la soumission au moi national ? "

Maturation

Alors que Léon Blum et ses amis considèrent cet engagement comme une volte-face voire un reniement, Charles Maurras ne voit; lui, que la lente maturation d'une même pensée. Pour Maurras, à travers ce qu'il appellera ses " stations ", l'évolution de Barrès aura été logique d'un homme libre via l'épisode de La Cocarde jusqu'aux Scènes : " tous les aveugles de la presse cherchent à instituer des analogies entre l'individualisme collectif du kantien Fichte où le Moi déifié divinise une race, et les constructions précises, positives, physiciennes où l'analyste français, loin de conférer à sa race les attributs de Dieu, découvrait et sentait vivre dans son moi cette race, cette province, cette famile, qui lui versaient le suc nourricier et la force génératrice. Nous avons tous joué du philosophème allemand au sortir du collège ou de la faculté, mais Barrès est bien des premiers qui s'en soit affranchi (...). Ceux qui se figurent que le sol et le sang, la terre et les morts sont intervenus tardivement chez Barrès n'ont pas pris garde à la Lorraine maternelle au coeur même d'un Homme libre. "
En fait, parmi les " stations " barrésiennes, celle d'un Homme libre (1889), où il accepte l'idée d'un déterminisme stoïcien et se résigne à celle du destin, n'est pas la plus individualiste. C'est à l'époque de la Cocarde, ce fameux journal-laboratoire où se côtoyaient en 1894-95 nationalistes, syndicalistes, fédéralistes, anarchistes ; des individualités telles qu'Amouretti, Maurras, le futur fondateur des bourses du travail Fernand Pelloutier..., que Barrès affirme les thèses les plus paradoxales. Henri Clouard dans son excellente étude sur La Cocarde de Barrès (3) a restitué la pensée de l'auteur du culte du moi en ce milieu des années 90. A l'image de la revue, Barrès se réclame d'une sorte de proudhonisme individualiste et contractualiste. Un article de septembre 1894 résume cet esprit : " Individualisme, voilà toujours notre formule. Notre sentiment de la solidarité sociale nous incite à aider l'affranchissement total de chacun, à hausser tout être jusqu'à l'individualisme. Que chacun soit un individu ! Que chacun fasse toujours agir toutes les forces de sa nature ! Notre sentiment de l'individualisme nous convainc que chaque individu poussé à son type sera prêt pour la coordination corporative, nationale et enfin universelle ". Toutes les contradictions que l'on trouve chez Proudhon sont ici présentes. Chez le philosophe franc-comtois comme chez l'écrivain lorrain se retrouve la même tension entre la volonté de " libérer " l'individu tout en maintenant sa sociabilité et son appartenance à des communautés sociales. L'individualisme n'est que méthodologique et non pas ontologique. Il est censé permettre à l'être de prendre conscience de lui-même (chez Proudhon), de sa liberté, ou de lui conférer une créativité nouvelle (chez Barrès).
Toutefois, ce qui moralise, élève, fortifie l'individu, de même que ce qui lui donne sa sève créatrice relève plus de l'appartenance communautaire, du lien social que de l'affranchissement kantien. Le contrat, librement consenti, serait l'instrument idéal pour concilier liberté et lien social. Pure vue de l'esprit qui tend à intellectualiser ce lien et à le faire découler d'un choix. Barrès abandonnera vite cette position fragile.

Contradiction

Cette contradiction majeure est une de celles qui animent l'intense vie intellectuelle de la fin du siècle. L'époque connaît une effervescence multidirectionnelle. Des aspirations à la fois très fortes et très conflictuelles trahissent la recomposition intellectuelle en cours. C'est un moment où le parti-pris cosmopolite des jeunes intellectuels se traduit par la germanolâtrie et le culte d'une Allemagne pangermaniste. Ce sont les années où les internationalistes font le pèlerinage de Bayreuth! Années également où se répand un goût littéraire prononcé pour la mort et où s'installe avec force l'idée récurrente de la décadence, décadence dans laquelle il est même doux de se complaire. Depuis des années Taine, Lemaître, Flaubert, Huysmans... ont généralisé cette idée de déclin qui, comme l'a bien vu Ernst-Robert Curtius dans son Essai sur la France, se dresse en réaction contre l'optimisme des années 1830-1840. Barrès a été marqué par le conseil de Renan " La France se meurt, jeune homme, ne troublez pas son agonie! " II est lui aussi imprégné des théories évolutionnistes et organicistes que répande un nouveau scientisme utilisant Darwin, Spencer, Haeckel et qui se retrouve dans les cours de Jules Soury auxquels Maurras et lui assistent. L'idée de décadence s'appuie sur la comparaison corps social / corps humain. Paul Bourget dont l'influence est alors fondamentale systématise cet organicisme doctrinal : " Une société doit être assimilée à un organisme. Comme un organisme (...) elle se résout en une fédération d'organismes moindres, qui se résolvent eux-mêmes, en une fédération de cellules. L'individu est la cellule sociale. Pour que l'organisme total fonctionne avec énergie, il est nécessaire que les organismes composants fonctionnent avec énergie. " (Essais de psychologie contemporaine).
Socio-biologie, neurologie, " psychologie biologique "... dévoilent l'existence du déterminisme et brisent la configuration atomique de la société. Avec le même excès que l'on accordait à la liberté de l'individu, Bourget, Soury, Barrès vont un instant aller jusqu'à nier toute autonomie à la personne devenue simple " cellule d'un organisme ". L'eugénique est censée rendre sa santé aux cellules et par voie de conséquence à l'esprit social. Il faut réagir contre la lente " putréfaction " de celui-ci. L'organisme est malade. Il faut lui réinsuffler sa vitalité. Tout un langage médical sert de métaphores à l'identification corps humain / corps social. En dépit de tous ses excès (contre lesquels Maurras mettra en garde. cf. sa réponse à Paul Bourget dans l'Enquête sur la Monarchie), le langage organiciste aura le mérite de remettre en cause le kantisme, l'individualisme et tant J'autres visions mécanicistes du XIX° siècle. La conception contractualiste de la nation, " le plébisciste de tous les jours " de Renan, selon laquelle la nationalité serait un acte d'adhésion, est écartée.

Néo-nationalisme


A la fin des années 90, Barrès va se libérer définitivement de la métaphysique allemande léguée par son ancien professeur Burdeau (Barrès le représentera sous le nom de Bouteiller dans son roman fameux Les Déracinés). Dans cet ouvrage, Barrès pose la pierre sur laquelle va venir reposer l'ensemble du néonationalisme. Une page fameuse décrit le professeur Taine emmenant le jeune Roemerspacher aux Invalides afin de lui montrer un magnifique platane et de développer l'image du suc nourricier tiré des racines et alimentant l'ensemble du corps harmonieux. Comme l'a bien vu Zeev Sternhell, Barrès est alors tiraillé entre deux conceptions de la nation : 1) la nation-organisme , qui n'implique aucune perspective historique et qui peut déboucher sur une vision raciste et biologique, et 2) la nation-héritage fondée sur l'Histoire, inscrite dans la durée et plus proche d'une définition classique et traditionaliste. Selon la première, les déterminismes biologiques et héréditaires seraient primordiaux alors que, pour la seconde, le passé, le poids des pères, sont des éléments constitutifs prégnants.
Contrairement à ce qu'affirme Sternhell, le racisme (dans son acception moderne) n'effleura jamais l'esprit de Barrès. Pour une raison simple, " le racisme répugne à l'esprit français " (J.P. Maxence) : la France n'a aucune homogénéité ethnologique qui la particularise. Les théories ethnistes voire racistes viendront toujours se briser sur la réalité historique française. La France est le fruit d'une histoire. Comprenant, cela, Barrès ne pourra que se tourner vers la définition traditionaliste de la nation. Si dans les Scènes et Doctrines du nationalisme, il propose la célèbre formule " le nationalisme est l'acceptation d'un déterminisme ", c'est de déterminisme historique qu'il s'agit, du " gouvernement des morts sur les vivants " dont parlait Auguste Comte. Barrès dira plus tard " être nationaliste c'est avoir l'esprit classique " c'est-à-dire se sentir soumis à des traditions, des coutumes, des règles. La communauté de naissance (Natio) est plus importante, d'un point de vue social, que la communauté affective ou idéologique. La Tradition, l'Héritage, le poids du passé commun permettent seuls de cimenter les " diverses familles spirituelles (ou ethniques) de la France ". La redéfinition de la nation est dès lors aux antipodes de l'idée de contrat.

Insuffisance


II manque cependant une finition à la pensée barrésienne. La nation-héritage est insuffisante pour expliquer la construction de la France. La Corse, l'Alsace, le Comté de Nice... ont été rattachés à la nation sans qu'il y ait eu histoire commune. De même en ce qui concerne la Nouvelle Calédonie. A moins de chercher à acculturer les peuples rattachés en leur enseignant une histoire officielle (le ridicule " nos ancêtres les Gaulois ") voire jacobine, le passé commun et la volonté d'enracinement sont insuffisants pour expliquer la nation. Le fait politique, le rôle de l'Etat fédérateur, la nécessité d'un facteur d'unité au dessus des groupes sociaux gardent leur caractère central. Cette donnée est consubstantielle à la France. Si l'histoire commune et la tradition viennent de toute évidence cimenter la nation elles ne peuvent en aucun cas la fonder. Le traditionalisme barrésien est donc limité par une définition partielle et statique de la nation. La nation-tradition de même que la nation-culture, la nation-identité, ne recouvrent que de façon floue la réalité.
C'est logiquement que, partant de son postulat nation-tradition, Barrès refuse de gommer l'héritage révolutionnaire et jacobin de la France, assurément partie intégrante de son passé. La tradition perd son sens critique, elle n'est plus que la tradition pour la tradition, et il ne pourra résister aux sirènes attractives d'un sage conservatisme.
Il reste que malgré ses insuffisances et ses contradictions latentes, la théorie barrésienne, ses thèses des Déracinés puis de la Terre et des Morts ont eu le mérite de rompre avec les principes mensongers et pernicieux du XIX° siècle engoncés dans un fatras juridique hypocrite : nation-contrat, droit des peuples à disposer d'eux-mêmes... Barrès pose la première pierre d'un nationalisme français qui va non seulement s'écarter du catastrophique principe des nationalités mais lui tourner le dos. En face de la vision individualiste du XIX° siècle où un peuple ne se définit plus que par une homogénéité ethnographique ou par l'adhésion volontaire des résidents, Barrès a posé les jalons d'une nouvelle approche réaliste, communautaire, n'excluant pas notre héritage, de la nation. Pour cela déjà, il est un de nos maîtres.

N. K.


J.Y. Guiomar : La Nation entre Raison et Histoire. La Découverte, 1989.
Z. Sternhell : M. Barrès et le nationalisme français. Complexe, 1985.
H. Clouard : La Cocarde de Barrès. Nouvelle Librairie Nationale, 1912.
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