« Est français, celui que l’État décide qu’il
l’est »
Sur France Culture, ce matin du samedi 5 mai 2007, M. Finkelkraut faisait sienne une définition
minimaliste, mais oh combien lumineuse, de la nationalité française, celle-ci tirée des colonnes de l’hebdomadaire
Télérama :
« Est français, celui que l’État décide qu’il l’est » Notons au passage et pour
le fun,
que les sources de notre pensée politique ne se situent donc plus à
l’évidence chez Montesquieu, La Boétie ou Benjamin Constant parexemple,
mais dans les programmes télévisuels ! Déjà un signe, et singulièrement
édifiant… Précisons que pour ceux qui ne verraient pas immédiatement ce
que recèle d’arbitraire et de potentiellement totalitaire une telle
définition de la nationalité, tout secours est inutile.
Arbitraire
le mot est effectivement bien faible puisqu’il s’agit, ni plus, ni
moins, pour l’État de décider « qui est qui ». Par conséquent,
d’exclure ou d’accepter qui « IL » entend faire profiter des avantages
acquis de la nationalité, droits pour les uns, astreintes et devoirs
pour les autres. Une telle disposition se retrouve évidemment au niveau
européen, dont les critères de citoyenneté sont exclusivement « légaux
» ce qui en l’occurrence ne veut strictement rien dire sauf à n’avoir
que des citoyens de papier sans obligation d’aucune sorte à l’égard de
leur espace géographique légal. Des critères aussi fluctuants que
fumeux, idéologiquement déterminés, autrement dit
abstraits, c’est-à-dire coupés de toute réalité matérielle, vivante, organique.
Et l’homme dans tout cela ?
Il est clair qu’une telle définition n’a pas été forgée au profit des
«indigènes » de la République (les vrais), mais de tous ceux qui
prétendent venir se régaler du miel des siècles, mettre au pillage les
richesses accumulées par le labeur des générations passées. Il ne
s’agit pas ici seulement de l’immigration, l’arbre destiné à masquer la
forêt, la multitude de ceux qui, sous couvert d’un construction
européenne idyllique (en vérité misérable cache sexe de la
mondialisation), viennent piller nos patrimoines (à l’instar des
forêts, amazoniennes, indonésiennes, etc, d’ailleurs) en mettant en
coupe réglées nos économies, nos savoir-faire et, in fine, nos extraordinaires ressources humaines.
De Gaulle avait dit que «
la politique de la France ne se fait pas à la corbeille » (la Bourse) ! Cela fut peut-être vrai durant son bref
interrègne, et encore. Aujourd’hui la corbeille a disparu et avec elle,
les idées désuètes de grandeur et de rayonnement de la France défendus
par de Gaulle. Le sort des nations et des peuples se décide à présent,
uniquement ou presque, sur des places boursières (lesquelles ont été
rarement aussi florissantes qu’en ces temps de crise larvée), et un peu au
G8. Bref, le sort des peuples est entre les mains d’une poignée de grands
donneurs d’ordre, politiques et financiers confondus qui communient tous
dans la vulgate néo-libérale des gourous libertariens de Chicago, les
Friedmann, père et fils, qui ont donné au monde, un siècle après Marx, sa
nouvelle religion, le monothéisme du marché.
Pour
ne pas conclure sur la nationalité façon Finkelkraut-Télérama, on sent
tout ce qu’une telle définition porte de potentiel destructeur des
peuples et
de la société des hommes, et pas seulement quant à leur identité, à leurs
racines, à leur mémoire, en un mot, quant à leur être réel.
Une
définition « totalitaire » de la citoyenneté-nationalité, expression
d’un arbitraire absolu de l’ « État » (alors qu’en principe en
démocratie,
l’État c’est nous, nous tous), qui vient compléter le terrible
corsetage de nos libertés fondamentales qui se met en place. L’ombre
recouvrant le monde du Seigneur des Anneaux, n’est pas seulement un
rêve : elle se fait réalité et cauchemar. Eh oui, nos libertés les plus
essentielles, les plus fondamentales, s’effacent un peu plus chaque
jour, à commencer par celle de penser, de s’exprimer, de communiquer,
principes co-axiaux de nos sociétés et plus encore, de notre
civilisation.Les ruiner, c’est en effet plonger au cœur d’une nouvelle
forme de barbarie, le retour à la case départ.
Qu’on en juge !
Dans une libre tribune du Figaro paru en avril, Philippe Jannet,
président du Groupement des éditeurs de sites en ligne, nous alerte sur la
préparation, en marge de la campagne, d’un décret d’application de la Loi
dite
d’Économie numérique, du proprement terrifiant.
«
Sous prétexte de surveiller au plus près les internautes, un décret
d'application de la loi sur la confiance dans l'économie numérique du
21 juin 2004, exige que les éditeurs de sites, les hébergeurs, les
opérateurs de téléphonie fixe et mobile et les fournisseurs d'accès à
Internet, conservent toutes les traces des internautes et des abonnés
au mobile, pour les délivrer à lapolice judiciaire ou à l'Etat, sur simple demande ».
Cela signifie que l’État va se doter de la capacité absolue de connaître,
scruter, surveiller les moindres aspects de notre vie privée : nos
dires, nos actes, nos déplacements et même nos pensées ; «
tout
savoir sur tout et tous, même l'impossible. Selon ce texte, les
opérateurs téléphoniques, les fournisseurs d'accès à Internet, les
hébergeurs et les responsables de services en ligne (sites Web, blogs,
etc.), devraient conserver pendant un an à leurs frais toutes les
coordonnées et traces invisibles que laissent les utilisateurs lors
d'un abonnement téléphonique ou à Internet, lors de leurs déplacements
avec un téléphone allumé, lors de chaque appel ou de chaque connexion à
Internet, de chaque diffusion ou consultation sur le Web d'un article,
d'une photo, d'une vidéo, ou lors de chaque contribution à un blog ».
«
En
substance, devraient être conservés les mots de passe, "pseudos", codes
d'accès confidentiels et autres identifiants, numéros de carte
bancaire, détails de paiement, numéros de téléphone, adresses électroniques, adresses postales, le numéro de l'ordinateur ou du
téléphone utilisé, le moyen d'accès à un réseau, les dates et heures
d'appel, de connexion et de chacune de leurs consultationsou contributions sur un site Internet ».
«
Le
texte impose de facto de mémoriser systématiquement tout ce qui est mis
en ligne, modifié et supprimé sur "l'Internet français". De l'avis
unanime des spécialistes, c'est économiquement et techniquement
impossible. Même les Etats-Unis de George W. Bush et leur "Patriot Act"
post-11-Septembre n'ont jamais envisagé pareille conservation ou
réglementation, qui soulèverait sans doute l'opinion publique américaine
d'aujourd'hui, mais s'opère sans bruit en France." «
Le coût, aussi bien pénal qu'économique, d'un tel dispositif
serait colossal pour la France. En cas de résistance, ou juste de
passivité, la sanction encourue est lourde : les fournisseurs d'accès à
Internet ou les sites Internet français qui ne conserveraient pas toutes
ces données seront passibles de 375 000 euros d'amende et leurs
dirigeants, d'un an d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, sans
compter la fermeture de l'entreprise, l'interdiction d'exercer
une activité commerciale". Passons
sur la lourde hypothèque que fera peser de telles contraintes
juridiques, et partant techniques sur les réseaux français de la
Toile face à la concurrence mondiale, Phillipe Jannet relève encore que
ce sont effectivement les libertés fondatrices de notre système
sociétal, qui se trouvent dans ce cas foulées aux pieds sous
couvert de combattre un terrorisme largement artificiel car fabriqué par
la politique démente de Washington : «
toutes les données
conservées seraient accessibles à la police administrative (RG, DST, etc.)
comme à la police judiciaire, pendant un an. Les réquisitions
administratives pour la "prévention du terrorisme seraient
également conservées un an dans des fichiers tenus par les ministères de
l'intérieur et de la défense. Les réponses à ces mêmes réquisitions - nos
traces, donc - seraient, pour leur part, conservées pendant trois ans
supplémentaires et communicables à la police judiciaire ».«
Ainsi,
des données récoltées sur la base de requêtes administratives
initialement motivées par la prévention du terrorisme pourraient se
retrouver dans le dossier d'un juge d'instruction… Sans que les
personnes mises en cause par des traces informatiques vieilles de 4
ans, puissent connaître - ni contester - l'origine ou la pertinence de
ces données, ni le contexte dans lequel elles avaient été recueillies,
en dehors de toute procédure judiciaire,
sans magistrat ni contradictoire, quatre ans auparavant ».
Finalement «
la
confusion entre le renseignement d'Etat et la justice, qui relègue la
séparation des pouvoirs au rang de fiction juridique. Enfin, le risque
qu'un tel dispositif ferait peser sur la régularité des procédures
judiciaires au regard de notre procédure pénale. C'est-à-dire le risque
de priver une politique de sécurité de toute efficacité ».
Ici, non seulement la France s’aligne sur la politique américaine de surveillance globale de ses citoyens sous couvert du
Patriot Act,
mais de plus, fait de la surenchère. Une surenchère mortelle pour une
démocratie déjà engagée dans une dérive orwellienne. Qui plus est, ce
qui est vrai pour la France, l’est plus encore, et a fortiori, pour une
Union européenne aux pouvoirs aussi discrets que tentaculaires, et qui
s’étendent de jour en jour.
L’Union européenne qui vient ainsi de faire passer une loi punissant
les « crimes contre la pensée » relatifs à la « pornographie
mémorielle » que constituent le révisionnisme et le négationnisme
associés au
racisme. Le Règlement européen instaurant une
mémoire unique et universelle pour tous, autrement dit une historicité
officielle, dogmatiquement fermée, close pour toujours à l’instar des
articles de la charia ; un règlement en un mot totalitaire mais que
tous accepteront sans barguigner : telle donc est la vraie tournure
d’esprit de nos «démocraties» en cette aube de Troisième
millénaire.
Le 20 avril 2007,
El Pais nous signalait en ces termes ce qu’aucune grande chaîne de l’audiovisuel français n’avait jugé bon de rapporter qu’«
après
cinq ans de discussions, les ministres européens de la Justice sont
parvenus jeudi 19 avril à un compromis sur une législation visant à
lutter contre le racisme et la xénophobie et la négation des
génocides…Initiative, qui prévoit dessanctions pénales communes [3 années d’incarcération]
pour la négation de l'Holocauste… Déjà pénalement poursuivis dans neuf
pays de l'Union, mais exclut les excès du stalinisme, allant ainsi contre
la volonté de la Pologne et des Pays baltes ».