Source :La Nef n°229 de septembre 2011
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Nos démocraties occidentales ont toutes plus ou moins des minorités puissantes de « laïcistes » qui n’ont de cesse de combattre, non seulement l’influence de l’Église, mais également la place qu’elle occupe dans la Cité. Leur ambition de cantonner la religion dans la seule sphère individuelle et privée, de lui interdire d’occuper l’espace public ne peut se réaliser que sous la contrainte d’un régime tyrannique – comme c’est le cas sous le communisme –, car la religion a une dimension publique qui est dans son essence même.
Les JMJ de Madrid l’ont abondamment manifesté et ont été une réponse magistrale aux laïcistes espagnols qui, n’osant pas attaquer le principe même de ce gigantesque rassemblement, ont essayé de dénoncer son coût pour la collectivité : l’échec a été patent ! Outre qu’ils n’ont réuni qu’un tout petit nombre d’opposants qui faisaient bien piètre figure face aux foules joyeuses des jeunes catholiques, leur argument s’est effondré par le fait que ces JMJ furent entièrement autofinancées sans l’ombre d’une subvention publique – ils ont même rapporté quelque 100 millions d’euros à l’économie du pays !
Cet aspect très anecdotique des JMJ me semble cependant avoir un intérêt majeur pour une juste réflexion sur l’avenir de nos démocraties : tous ceux qui ont vécu ou côtoyé ces JMJ, que ce soit à Paris, Cologne, Sydney, Madrid ou ailleurs, ont témoigné de l’ambiance extraordinaire qu’elles créaient dans la ville d’accueil, suscitant joie, bonne humeur, fraternité, sans jamais aucun débordement violent comme il en existe dès que la moindre manifestation ordinaire se produit. Autrement dit, ces JMJ révèlent combien les jeunes catholiques sont en osmose avec leur environnement, leur apportent un véritable « plus » : par leur foi, ils ont su donner un sens à leur vie, en demeurant attachés à des valeurs éternelles que certains croyaient dépassées. Et cela, unanimement, les populations l’apprécient, même si elles n’en font pas une analyse consciente.
Bref, ces JMJ montrent que non seulement l’Église a sa place dans nos sociétés, mais que cette place est même irremplaçable et que, finalement, elle seule est encore capable de redonner du sens à nos démocraties enfoncées dans une crise multiforme.
On pense d’abord à la crise économique et financière qui est bien plus profonde qu’un simple problème « technique » de dettes ou de régulation des sacro-saints « marchés financiers ». Benoît XVI l’a redit dans l’avion vers Madrid : « La dimension éthique n’est pas une chose extérieure aux problèmes économiques mais une dimension interne et fondamentale. L’économie ne fonctionne pas seulement par une autorégulation de marché mais elle a besoin d’une raison éthique pour fonctionner pour l’homme. » Aujourd’hui, les marchés financiers gouvernent le monde et imposent leurs vues, marquant un recul sans précédent du politique censé dépendre du peuple : celui-ci s’efface désormais face à la priorité qui est de donner « confiance » aux marchés, lesquels sont aux mains d’une infime caste dont les super-salaires, comme ceux des hauts dirigeants, n’ont cessé de croître de façon indécente quand la classe moyenne voit son pouvoir d’achat régresser.
Plus généralement, « la crise est dans l’homme », pourrait-on dire, plagiant le titre d’un essai de Thierry Maulnier publié en 1932. En effet, la démocratie meurt d’être devenue, selon la logique libérale, un simple système procédurier, sans aucune base éthique commune, permettant à chacun de poursuivre ses propres fins. Sans un fondement moral minimum accepté par tous – la loi naturelle –, la vie commune n’a plus de sens, on ne sait même plus ce qu’est l’homme, d’où les risques d’une dictature de majorités au pouvoir absolu égarées dans les confusions les plus folles en de multiples domaines : conception de la famille, bioéthique, vie… largement responsables, notamment, de l’effondrement