Patrons cathos, l'invisible réseau breton

lu ici : http://www.lejournaldesentreprises.com/editions/29/actualite/fait-du-mois/patrons-cathos-l-invisible-reseau-breton-07-10-2011-132286.php

Tout comme les voies du seigneur, le réseau des patrons bretons et cathos serait-il impénétrable?Sommes-nous d'ailleurs dans le vrai en parlant de réseau ? Enquête de Rennes à Pouldreuzic en passant par Saint-Anne d'Auray.

Le catholicisme, comme la franc-maçonnerie, peut-il aussi être considéré comme un réseau d'influence dans le monde de l'entreprise? Notamment en Bretagne, terre de calvaires et de pardons. Quand on évoque le couple patronat-religion, quelques grandes figures de l'économie régionale sont spontanément citées. Parmi celles-ci, Vincent Bolloré. L'industriel et homme de médias breton est par exemple très proche d'un prêtre parisien. «Il s'appuie sur lui pour l'émission religieuse de la chaîne Direct 8 (Dieu Merci) ou encore la dernière page de Direct Matin», qui fait la part belle à un Saint, relève le journaliste et auteur Marc Baudriller (lire plus bas). Et d'ajouter que ce même homme d'église a aussi «joué un rôle dans les recrutements de Direct 8.» À Rennes, la famille Hutin ne fait pas non plus mystère de ses convictions. François-Régis Hutin, patron du groupe Ouest-France, a ainsi reçu il y a quelques semaines, en compagnie de son épouse Jeanne-Françoise, les évêques de l'Ouest, au siège du groupe. Et d'évoquer avec le Rennais Monseigneur d'Ornellas des valeurs communes.

Musique sacrée à Vannes
D'autres, comme Louis Le Duff, ne sont pas autant pratiquants, ni visibles. Mais il semble que ce dernier prenne plaisir à fréquenter la chapelle jouxtant son château, en périphérie de Rennes. Autre exemple, autre territoire. Une oeuvre musicale composée par un pianiste du cercle de musique sacrée de Sainte-Anne d'Auray a été spécialement composée à l'occasion des 20 ans du Club Entreprises du Pays de Vannes, présidé alors par Jean-Luc Lancelot (Société Sigmaphi). À la baguette de ce projet, une poignée de chefs d'entreprises locaux. Tous ces noms et initiatives cités dans les dîners en ville forment-ils pour autant un réseau? Yannick Le Bourdonnec, organisateur des Dîners Celtiques à Paris, et grand connaisseur du gotha breton, ne le croit pas. Dans les Dîners, «il y a une idée qui est l'adhésion à la Bretagne. On porte un peu aussi les valeurs de l'entreprise, de l'initiative individuelle. Mais ça ne va pas au-delà de ça.»

L'exemple du Spi Breizh
L'initiative récente du Spi Breizh semble illustrer ce manque de connexions entre patrons cathos. En mai dernier, lorsque Mgrd'Ornellas lance l'idée, avec les autres évêques bretons, d'un fonds de dotation visant à aider les jeunes, il se trouve face à un mur. «Il nous disait vous allez voir, on va avoir plein de soutien des entreprises. Et puis en fait, il n'avait pas un contact, pas un réseau. Il fallait le créer de toutes pièces», confie un patron qui le connaît bien. La construction de cette toile est aujourd'hui dévolue à Florence Bonnier, responsable de Spi Breizh. Une femme qui, munie de son bâton de pèlerin, tente de percer les clubs d'entreprises jalonnant la région. Une réunion devait être organisée ces jours-ci avec trois gros groupes. Ces derniers se disant prêts à soutenir le fonds, pour une durée de trois ans. À la clé, une aide qui pourrait se monter à plusieurs centaines de milliers d'euros. De quoi approcher l'objectif fixé par Florence Bonnier: 5M€ d'ici à 2014.

MCC et EDC
Mais pour faire connaître leur initiative, les évêchés ont aussi la carte des MCC et EDC. Deux mouvements nationaux actifs en Bretagne. Présidés dans la région par Patrick Mercier, patron rennais d'une société informatique, les Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens s'affichent comme un mouvement oecuménique. Bretagne oblige, le catholicisme y est toutefois bien représenté. On compte une centaine d'EDC bretons. Leur credo: la réflexion, en lien avec le message de la Bible. «En entreprise, il y a des sujets compliqués comme les licenciements, les salaires, l'autorité. Il est intéressant de savoir comment se comporter», explique Patrick Mercier. Constitués en équipes d'une dizaine de membres, les EDC se réunissent une fois par mois. Au centre de ces deux à quatre heures d'échanges, un sujet tel qu'"être juste en entreprise". Et une prière, en lien avec le thème. L'adhésion (460 à 720 € l'année) se rapproche de la cooptation. Si au niveau national, les EDC ont leur place au Medef ou à la CGPME, ce n'est pas le cas en région. «Ce n'est pas un réseau de business. Il arrive que des gens prennent contact, mais à titre personnel», précise Patrick Mercier. Un discours qui se rapproche étrangement de celui des clubs d'entreprise... L'autre réseau, c'est le Mouvement Chrétien des Cadres et Dirigeants présidé en Bretagne par un ancien DRH François Mention. Si les patrons y sont moins présents que chez les EDC, l'organisation est similaire. Avec des équipes se réunissant une fois par mois autour d'un thème. Exemples de sujet de réflexion: «Comment créer une cohésion d'équipe dans un projet? Comment reclasser des gens quand j'ai deux équipes à fusionner?», cite Emmanuel Damas, ingénieur chez Orange et par ailleurs MCC.

«Démarche personnelle»
Alors, réseau ou pas réseau les patrons bretons cathos? Jean-Jacques Hénaff, autre grande figure du patronat proche des EDC, nous livre sa réflexion. «On arrive à connaître des personnes, dans le milieu professionnel, que l'on sait partager les mêmes valeurs. C'est très discret. Mais quand on le sait, c'est facilitant. Cela ne fonctionne pas vraiment en réseau. C'est d'abord une démarche personnelle.» Et si influence il y a parfois, «elle ne se fait pas par les institutions mais par des individus.» www.lesedc.org www.mcc.asso.fr